Samedi dernier, le 11 juin, c'était la journée internationale contre le nucléaire. Trois mois après la triple catastrophe séisme-tsunami-centrale nucléaire, des appels à manifester pour l'arrêt du recours à l'énergie nucléaire ont été lancés dans tous les pays, et notamment au Japon. Je savais que quelques grosses manifestations auraient lieu à Tokyo et à Paris, et je regrettais de ne pouvoir y assister. J'ai donc cherché si quelque chose serait organisé à Gifu... et oui, une "parade pour dire au revoir au nucléaire" était bien prévue samedi, de 11h à 13h.
En fait, la liste des manifestations dans les villes du Japon est impressionnante. Sachant que les Japonais sont très peu enclins à sortir dans la rue pour protester, et que les mass media n'ont que très peu relayé les infos contestataires de ce genre, l'organisation de défilés absolument partout dans le pays était déjà un événement en soi.
J'ai réussi à entraîner ma famille d'accueil (enfin, juste leur fille) avec moi. On avait peur de ne pas être nombreux, mais au final, il y avait quand même environ 500 personnes!!
Quand nous sommes arrivées au lieu de rassemblement, il y avait déjà pas mal de monde qui distribuait des tracts. Quelles hippies à didgeridoo et djembés se détachaient dans la masse, mais il y avait aussi des paysans qui avaient enfilés leur tenue traditionnelle et leurs bottes pour dénoncer l'impact du nucléaire sur les cultures. Beaucoup de jeunes parents avec leurs enfants, aussi. Et même une grand-mère en kimono qui n'était pas la dernière à lever le poing et entonner des slogans anti-nucléaires. Sur les pancartes, on pouvait lire "c'était donc un mensonge", "le peuple n'est pas idiot", et autres "on n'a pas besoin du nucléaire". La plus grande bannière était rédigée en japonais, anglais et français, mais je n'ai pas vu d'autres Occidentaux.
De cette première expérience de manif japonaise pour moi (et pour presque tous les autres aussi sûrement, à commencer par la jeune fille qui m'accompagnait), j'ai été surtout frappée par le sens de l'organisation. Cela relève du cliché de le dire, mais c'était vrai. Des pancartes "non au nucléaire" ou encore des simili masques à gaz en papier avaient été préparés, et ont été distribués en grande quantité à tous les manifestants.
Au départ du cortège, on nous a demandé de nous mettre en rang par quatre, et de faire des groupes de 100 personnes maximum avec un espace entre chaque groupe... J'ai bien pensé à nos manifs parisiennes, notamment celles où l'on passe 2h à savoir dans quel sens il faut aller!
Des policiers nous ont encadrés, et nous avons pu démarrer... sur la route, mais sur le côté, afin de ne pas gêner la circulation qui n'avait pas été barrée. Au niveau de la gare, nous avons eu affaire à des extrémistes nationalistes, armés de drapeaux japonais, qui étaient là, eux, pour défendre le développement du nucléaire. Ils n'étaient qu'une dizaine, mais leurs hauts-parleurs crachaient des messages d'insultes laissant entendre que les manifestants pro-nucléaires n'étaient pas des "bons" Japonais, et n'avaient rien compris... Peu importe, notre cortège a redoublé de bruits, de chants, de slogans, et on leur faisait des signes de la main et des sourires. Aucun affrontement. Incroyable.
De mon côté j'ai enfin trouvé une utilité au sifflet d'urgence que j'ai accroché à mon téléphone depuis le séisme. J'ai sifflé et sifflé pendant près d'une heure au rythme de "sayonara genpatsu", "au revoir le nucléaire". Quand nous sommes retournés à notre point de départ, un journaliste est venu me demander d'où je venais, et pourquoi je manifestais. Il m'a demandé quel était le message que je souhaitais faire passer, en tant qu'étrangère. J'ai improvisé quelque chose sur le thème du Japon que j'aime et que j'aimerais voir sans danger, pour pouvoir y venir sans inquiéter famille et amis. Mais peu importe la pertinence de mes réponses, le lendemain, dans le journal, il n'y avait qu'un tout petit article. Il mentionnait quand même que dans la foule, on voyait "des paysans, des mamans avec leurs enfants, et même des étrangers". Si ça peut servir à quelque chose... Espérons.
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